La danse macabre avec figures, plaintes et réponses de tous les rangs sociaux |
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Le nom original de cette oeuvre est Der Doten dantz mit figuren. Clage und Antwort schon von allen staten der welt. Cette danse macabre débute avec quatre cadavres jouant de la musique, accompagnés de trois autres dansant devant une maison. La deuxième image montre six corps décomposés qui dansent près d'un ossuaire autour d'un cadavre dans un cercueil. Les 38 prochaines images représentent la danse proprement dite; et la série de gravures se termine avec 5 corps qui sortent de leurs tombes. La conclusion, tout comme l'introduction ne va pas sans rappeller certaines superstitions médiévales. Les images ont été gravées sur bois par un artiste inconnu. Toutefois, on croit connaître l'imprimeur; il s'agirait de Heinrich Knoblochtzer, qui quitta Strasbourg en 1486 pour s'installer à Heidelberg. Il aurait imprimé cette danse macabre deux ans plus tard. Deux autres éditions ont été publiées par la suite, une première en 1492 par Jacob Meydenbach, à Mayence, et une seconde vers 1520 par Hans Schobser, à Munich. Il existerait encore sept exemplaires de la première édition (dont deux incomplètes), cinq de la seconde et deux de la troisième. Nous n'avons toujours pas localisé avec certitude le lieu de création de cette danse macabre. Certes, les vers sont d'un dialecte rhénan; mais la figure du comte porte les armoiries d'une famille wurtembergeoise, établie en Alsace, et non celles du Palatinat. Il est également admis qu'elle possède des points en commun, en ce qui concerne le texte comme les images, avec celle du cimetière des Innocents à Paris. Cette influence proviendrait fort probablement du manuscrit de Guyot Marchand, publié en 1485. Dans chacune des oeuvres, la Mort s'exprime en huit vers, tout comme sa victime. On remarque des similitudes lorsque l'on compare les vers du médecin, de l'abbé, ou encore les deux épilogues. Dans la «Doten dantz», le roi est représenté avec une bannière et un sceptre fleurdelisé; la Mort interpelle le docteur en disant: «Ô, grand maître de Paris!». Toutefois, l'artiste ne s'est pas contenté de copier servilement son modèle. Contrairement à la danse macabre de Paris, on retrouve dans celle-ci des femmes dansant avec la Mort: la nonne, la bourgeoise, la pucelle. De plus, la «Doten dantz» possède des particularités que l'on retrouve dans peu de danses macabres. Les clercs et les laïcs sont séparés (phénomène rare dans les danses macabres du 15e siècle). Une des images ne représente pas la Mort avec un seul partenaire, mais plutôt avec un ensemble de représentants sociaux. On remarquera aussi que 35 des 38 squelettes couplés avec un vivant sont munis d'instruments de musique. Seuls le héraut, le bourgeois et l'enfant échappent à cette règle. La Mort est représentée sous les traits d'un corps décharné rarement recouvert d'un linceul, éviscéré; sur plusieurs images des serpents et quelque fois des crapauds sortent du corps de la Mort. Cette danse macabre ne provient pas de fresques, mais a été directement conçue en fonction du médium du livre. La forme traditionnelle de la danse macabre, la longue farandole, ne pouvait pas être rendue. La danse est donc exécutée individuellement devant un vivant soumis, alors que la Mort gesticule, sautille, entraîne le vivant ou encore joue de la musique. Il est possible que cette danse macabre ait été créée en deux étapes; une première à Strasbourg, où les images et les titres auraient été réalisés, et une seconde à Heidelberg, ou du moins en Palatinat, où le texte aurait été ajouté. Cette hypothèse expliquerait la discordance entre le dialecte rhénan et l'image avec les armoiries wurtembourgeoises mentionnée ci-haut. D'autant plus que celle-ci n'est pas la seule irrégularité. La Mort aborde l'aubergiste en soulignant son origine, le village de Bingen; sur les images, il est clair que le vertueux moine est un Franciscain, puisqu'il porte une corde à la taille; le mauvais moine est un Dominicain, mais pourtant, on n'y fait aucune allusion dans le texte. De la même manière, le texte du conseiller conviendrait mieux un conseiller royal que municipal. Finalement, les clercs et les laïcs sont séparés étrangement: les figures 1 à 9, 26 à 29, et 34 appartiennent au clergé, pendant que les figures 10 à 25, 30 à 33, et 35 à 38 sont des laïcs. Cette dernière «erreur» fut corrigée lors de la deuxième édition de cette danse macabre, qui parut en 1492 à Mayence: le nouvel éditeur numérota les membres du clergé de 1 à 16, et les laïcs de 17 à 39.
La bibliothèque de l'Université de Heidelberg a numérisé la première édition de ce manuscrit (Knoblochtzer). Dans cet exemplaire, certains détails des gravures sont colorés en rouge. Un autre exemplaire de 1488, habilement peint de différentes couleurs, se trouve à la Bayerische Staatsbibliothek (Bibliothèque de l'État de Bavière) à Munich. Cette dernière possède également la seconde édition de Meydenbach (1492), colorée avec moins de soin que le manuscrit précédent, et la troisième édition de Hans Schobser (1520), qui ne présente aucune couleur.
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